COMPRENDRE LE DISCOURS DE DAKAR...

C'était une de mes dernières soirées à Niamey. J'étais au "Toulousain", bar de Niamey, avec des amis quand un homme vient nous saluer et, tout de go, me lance: "Moi, Sarkozy, je l'adore!!"

Première réaction: sourire...

Mais il insistait et finalement nous avons discuté un petit bout de temps. Il n'en démordait pas: Sarkozy c'est quelqu'un de bien, qui sait ce qu'il dit et ce qu'il fait, pas comme les dirigeants africains... C'était là sa faille parce qu'en fait jamais il n'a pu me dire pourquoi, réellement, il aimait Sarkozy, pour quelles idées, etc...

Nécessairement, à un moment, quelqu'un autour de la table a évoqué le fameux "discours de Dakar". "Toi, tu aimes quelqu'un qui raconte autant de bêtises sur toi?!!!". Réponse: "Je m'en fous, ce n'est pas parce qu'il le dit que c'est vrai!". Bref, une discussion de bar...

Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.

Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès.

Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme échappe à l'angoisse de l'histoire qui tenaille l'homme moderne mais l'homme reste immobile au milieu d'un ordre immuable où tout semble être écrit d'avance.

Jamais l'homme ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin.

Le problème de l'Afrique et permettez à un ami de l'Afrique de le dire, il est là. Le défi de l'Afrique, c'est d'entrer davantage dans l'histoire. C'est de puiser en elle l'énergie, la force, l'envie, la volonté d'écouter et d'épouser sa propre histoire.

Le problème de l'Afrique, c'est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l'éternel retour, c'est de prendre conscience que l'âge d'or qu'elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu'il n'a jamais existé.

C'est là, sans doute, l'un des extraits du discours qui a le plus frappé et indigné une grande partie de l'opinion publique tant en Afrique qu'en France et ce sont les phrases que l'on a le plus cité. Mais il vaut le coup de lire l'intégralité du discours...

Le 26 juillet 2007, donc, Nicolas Sarkozy, fraîchement élu Président (hélas!) de notre beau pays, faisait sa première visite en tant que tel en Afrique subsaharienne et il adressait à la jeunesse africaine un discours sensé symboliser un refondement de la politique africaine de la France, le tout à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Ce que l'on reproche à N. Sarkozy?!! Son ton faussement amical lui permettant d'éviter tout débat sur la question de l'esclavage et de revenir sur les prétendus "aspects positifs de la colonisation", sa méconnaissance et son désintérêt pour l'Afrique, son mépris pour "l'homme africain", qui n'est "pas assez entré dans l'histoire", ses trop grandes généralisations...

Si l'on doit reconnaître un effet positif à ce discours, c'est sans doute d'avoir provoqué le débat. Très rapidement, les réactions ont fusé, notamment d'Afrique. Ainsi, on peut citer la lettre d'Ibrahima Thioub, professeur d'histoire à l'Université de Dakar, ou encore le texte d'Achille Mbembe: L'Afrique de Nicolas Sarkozy, "Le viol commence souvent par la langage".

Et c'est ainsi, également, que le début de l'année 2008 devait voir la parution de plusieurs ouvrages, adressés notamment à l'auteur du discours de Dakar, ou plutôt celui qui l'a prononcé, parmi lesquels L'Afrique répond à Sarkozy , Contre le discours de Dakar aux éditions Philippe Rey, par un collectif d'écrivains dirigés par Makhily GASSAMA.

Pas encore lu, ni même acheté car il est paru pendant que j'étais au Niger mais ce sera bientôt fait!